En ce mois des fiertés, marqué par une augmentation de l’intolérance et une tendance inquiétante au repli sur soi, j’avais envie de vous emmener du côté des auteurs et autrices de mangas membres de la communauté LGBTQIA+ et qui militent pour cette dernière. Heureusement, le catalogue des éditions Akata permet à ses auteurs d’arriver jusqu’à nous et je n’ai plus eu qu’à sélectionner pour vous 2 pépites dans la malle au trésor bien remplie de l’éditeur.
"Le mari de mon frère" par Gengoroh Tagame, éditions Akata (4 tomes, série terminée)
L’histoire suit Yaichi, un homme divorcé élevant seul sa fille, Kana et dont le frère jumeau, récemment décédé, est parti au Canada 10 ans auparavant. Yaichi fait la rencontre du mari de son frère, Mike Flanagan, Canadien en visite au Japon sur les traces de la culture de son défunt époux. Ce dernier est bouleversé devant cet homme qui ressemble trait pour trait à son défunt époux . Yaichi l’héberge chez lui, mais, empêtré dans ses préjugés, ne sait pas trop comment se comporter vis-à-vis de son beau-frère. Heureusement, sa fille curieuse et beaucoup plus directe n’hésite pas à questionner son oncle pour qui elle se prend très vite d’affection, ce qui amène progressivement Yaichi à changer de regard et à développer une vraie relation amicale avec Mike. Et heureusement, car l’arrivée d’un étranger homosexuel va provoquer des remous tant dans le voisinage que dans la famille et nos héros ne seront pas trop de 3 pour y faire face…
L’histoire prend un double prisme, celui de l’homosexualité, mais aussi celui du choc culturel, dans un pays qui compte très peu de diversité. Le mot « gaijin » (étranger) y a déjà une connotation hautement péjorative. Les deux protagonistes vont découvrir la culture de l’autre au fur et à mesure de l’histoire. Tagame profite de son récit pour vulgariser très naturellement des concepts propres au monde LGBTQIA+ (comme le coming out) ce qui permet au lecteur hétéro de déconstruire ces préjugés en même temps que Yaichi.
Pour conclure, "le mari de mon frère" est une ode à la tolérance qui invite à aller à la découverte de l’altérité pour déconstruire ses préjugés. Un classique du genre, multi récompensé qui n’est pas prêt à prendre une ride.
"L’amour est au menu", par Yuzaki Sakaomi, éditions Akata (1 tome en VF et 5 en VO, en cours)
Nomoto a une passion pour la cuisine. Problème, elle vit seule et a un appétit de moineau, ce qui l’empêche de réaliser son rêve : cuisiner des plats énormes. Heureusement, sa rencontre avec sa voisine de pallier, Kasuga une femme à l’appétit colossal, va tout changer et très vite, autour de cette passion pour la nourriture, les 2 femmes vont nouer une relation de plus en plus proche...
"L’amour est au menu" détonne au niveau de la représentation des femmes et particulièrement via le personnage de Kasuga . C’est une femme forte dans tous les sens du terme ; à la fois massive, physiquement puissante et dotée d’un caractère bien trempé. Son appétit impressionnant est mis en scène comme un trait positif, et les cases où on la voit manger montrent qu’elle savoure sa nourriture avec tout son corps. Le manga n’est pas avare de coups de griffes envers le patriarcat à travers les situations vécues par les 2 protagonistes (ex : Nomoto subit les avances lourdes d’un collègue qui s’imagine que sa passion pour la cuisine en fait forcément une mère en puissance et Kasuga se fait expliquer par un client dans un resto comment elle est censée déguster son plat...). Les situations décrites rappelleront immanquablement des souvenirs aux lectrices. La relation entre les 2 femmes, composée d’attentions mutuelles et d’horizontalité, est également très bien mise en scène avec un regard sur les corps très différent de la romance hétéro classique.
"L’amour est au menu" est une oeuvre hautement recommandable qui arrive sur un des angles morts du manga : les romances entre femmes écrites par des femmes. Par contre, petit avertissement : ne le lisez pas le ventre vide sous peine d’avoir envie de cuisiner un flanc dans un seau, vous êtes prévenu.e.s.
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