Ephémérides janvier 2020

Ephémérides janvier 2020

Ça y est, c'est fait, on est passé en 2020. Une nouvelle décennie déjà. Bon, pour être précis, une aimable relectrice me fait remarquer que ce n’est pas la fin officielle de la décennie, pour ça il faudra attendre le 31 décembre 2020… Mais symboliquement, les années 10, c’est fini… Je devrais peut-être parler de décennale. Enfin, pour une fois, je vais choisir la facilité langagière plutôt que la précision drastique. Et puis, comme ça, je pourrai toujours ressortir le thème de la décennie dans douze mois…

Nouvelle décennie donc. Le temps passe. Passe vite. Trop vite? Je dois commencer à me préparer à l'idée que je ne vivrai pas assez vieux pour voir la fin du siècle, même si c'est ce qu'on nous dit qu'on nous prépare pour l'avenir, l'espérance de vie étendue à 120, 140 ans. Mais dans quel état? Et est-ce bien nécessaire, là où la planète se meurt de nous et où une proportion invraisemblable de l'humanité déjà présente vit moins longtemps et moins bien, voire beaucoup moins bien?

Le temps passe. L'heure d'un nouvel Ephémérides. D'un Ephémérides de nouvel an-an. Nouvel an-an d'une nouvelle décennie. Années 20, retour aux années folles, les derniers beaux moments du cinéma muet, Lindbergh traverse l'Atlantique, Krach boursier de Wall Street, cubisme, Dada et surréalisme? Cent années écoulées et le passé devient le futur, redevient le présent, un tour sur nous-mêmes.

Ephémérides, qu'écrire, de quoi parler? Trop d'actualité tue l'actualité. L'Australie en feu, la France en grève, le Burkina Faso en sang, la Belgique en panne, les informateurs en balade, la NVA en embuscade, le CDH en re-re-fondation, Emir Kir en question, Carlos Ghosn en fuite, David Goffin en forme, Harry et Meghan en retrait, le Brexit enfin ?... Match Iran/USA : peut-il vraiment y avoir un gagnant? Chacun prépare ses élections. On gère des pays et des politiques internationales comme des affaires mafieuses. Les sondages qui nous disent que si on revotait, ce serait encore pire. Pas seulement ici, mais aussi en Italie et bien ailleurs encore. Le vote provoc', le vote dépit, le vote kamikaze, l'idée que celui qui détruit au moins agit. Un peu comme si j'ouvrais le gaz dans ma maison parce que je ne crois plus à la pureté de l'air. Des lois qui servent à détricoter la justice ou l'état de droit. Combien de SDF dehors cet hiver? Heureusement, il fait clément. La parole de l'expert du jour : la voiture électrique, c'est d'abord continuer à sacrifier au mythe du tout à la voiture,  ce n'est pas polluer énormément moins, c'est surtout délocaliser sa pollution ailleurs, vers des zones moins régulées, des populations plus précaires, extraction de minerai en Chine, Russie et Congo. Que faire? Libres associations d'idées, les idées le sont encore, libres, tant qu'on se contente de les avoir.  

À force de se croire informés, l'est-on encore? Haïti, j'y ai pensé si fort il y a 10 ans, m'indignant dans cette même rubrique du peu de place laissée dans notre disponibilité émotionnelle et agissante à ce carnage de masse parce qu'une explosion avait fait des victimes à deux pas de chez nous. Combien de fois y ai-je pensé, à Haïti, depuis, détourné par les autres catastrophes de passage? L'information, ce me semble, c'est tout savoir sur le monde lointain mais ne plus rien savoir de son voisin.  L'information, ce me semble, c'est tout savoir sur un pays, une ville, proche ou lointain, une femme, un homme, un lapin, un koala et ne plus rien en savoir après-demain.

Vous savez quoi? Il y a des jours comme ça, où l'on entasse les perspectives néfastes, où l'on se laisse encrasser la tête par la noirceur du monde, où, plus confus que Confucius, on maudit l'obscurité plutôt que d'allumer des chandelles. Ces jours arrivent et pas seulement en hiver. Que faire? Fermer les yeux? Les oreilles? Ne rien vouloir savoir de l'immense clameur du monde ? A quoi cela mène-t-il si ce titanesque maelström nous tiraille et tétanise. Et pourtant... Il y a des jours où cela coûte de mettre les orteils dans la machine à broyer du monde, même à l'abri bien chauffé de son salon. Le déni n'est pour autant pas plus salutaire. Mais quelle vision vertigineuse, par quel bout prendre les choses pour les désengluer (il ne nous manquerait plus qu'une petite marée noire, est-ce la saison) ?. Paix sur terre aux femmes et aux hommes de bonne volonté. "Nous ignorons nos blessures quand elles ne sont que celles des autres, mais nous les portons quand même, à notre insu." D'où vient cette phrase? J'ai oublié.

Vous savez quoi? On dirait le texte d'un qui s'apprête à sauter par la fenêtre, à abdiquer de sa terrienne transhumance, et c'est vrai que parfois, je franchirais bien le parapet de la lucarne de ma conscience, je me défenestrerais du fardeau de savoir. Ces moments existent. Reality bites (la réalité mord) comme on dit en anglais. Et pourtant, la force des rêves, la force des désirs, la force des actes, la force des projets. Même petits, même fragiles, même incomplets, même imparfaits. La force...  La vie est triste et belle à la fois et c'est peut-être cela qui fait la beauté du geste. Lumineuses paroles et douloureux silences, douloureuses paroles et lumineux silences. Des poids que l'on porte, nous n'avons pas toujours le choix, mais reste à voir s'ils nous immobilisent ou nous enracinent. Une nouvelle année, une nouvelle décennie commence. Je nous souhaite à tous d'en retirer le plus fou, le plus beau, le meilleur. Je nous souhaite à tous d'en garder assez pour soi et d'en avoir beaucoup à partager avec les autres. Je nous souhaite à tous de souhaiter tant et plus, et de mener à bien, autant que possible.

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Actualité rédigée par
Jean-Marc Lelaboureur

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