C’était un jeudi matin. J'ai rejoint les classes de 4 des écoles participantes au projet Diversity Power qui se réunissaient au cinéma des Grignoux « Le Sauvenière ». Une fois installés dans la salle de projection spécialement réservée à notre effet, Fabrice, coordinateur du projet, a introduit le film en expliquant en deux mots ce qu’est le fascisme, après avoir interrogé les jeunes sur cette définition qui, selon un enfant, voulait dire « les gens fâchés ». Et c’était bien intéressant d’avoir ce mot en tête tandis que se lançait ce film d’animation « Interdit aux chiens et aux Italiens », emprunts de beaucoup d’émotions. J’ai personnellement beaucoup aimé la façon dont Alain Ughetto, réalisateur, y reconstitue la vie de ses grands-parents, agriculteurs piémontais nés à la fin du XIXe siècle. La poésie, l’esthétisme, l'intemporalité, la façon de représenter le lien intergénérationnel, la symbolique, les référents culturels et historiques nombreux...
À la fin de la séance et des quelques applaudissements, Fabrice a demandé aux jeunes spectateurs « Qu’as-tu envie de retenir de ce film ? » En vrac, parmi les réponses : le racisme envers les Italiens, la famine, les bombardements d’Italiens envers Italiens… Nous ne nous sommes évidemment pas arrêtés là. Le lendemain, mes collègues, animateurs du C-paie se sont rendus dans 4 classes.
A l’école fondamentale de Bressoux, tandis que certains enfants ont apprécié le film, d'autres disent ne pas l'avoir vraiment aimé ni bien compris. Ces derniers l’ont trouvé ennuyant, car vieillot, et n’ont pas aimé la technique d’animation (plasticine/stop motion). « Par contre, m’explique Jonathan, cette projection a permis de discuter avec toute la classe de sujets propres à notre thématique « Diversity Power » » Comme en témoignent ces quelques phrases glanées à l’animation :
- « Je suis choquée, car je ne savais pas que des personnes ont eu de telles vies » - « Vu que je suis Italienne, j’ai été vraiment touchée » - « Ma maman est Marocaine et elle a vécu la même chose...je me suis senti triste » - « Quand le monsieur part avec le vent (mort au combat en Libye), j’ai été triste » - « Ça fait des liens avec des autres que les Italiens qui sont aussi discriminés »
Pour ce qui est de la classe de l’école fondamentale Liberté Outremeuse, on laisse les images dessous cette actu vous parler de ce qui a marqué les jeunes dans ce film. Ces photos ont été prises lors de l’animation de Laura en classe le lendemain de la projection.
Et comment ce film a été perçu par des plus grands, en 7e secondaire de l’école de commerce et de comptabilité ? Selon eux, ce film s’adressait à des plus jeunes, il était trop long, trop lent... On pourrait, en boutade, résumer leur avis sur ce film par cette phrase d’un jeune « 8 ans pour réaliser ce film ?! C’est très lent ; donc si on veut faire passer un message il y a plus direct et plus efficace »
Ceci dit, bien des messages sont passés à travers le debriefing de Laurie, animatrice au C-paie, avec cette classe. Elle a choisi d’utiliser la technique du débat mouvant et a posé les affirmations suivantes : - J’ai aimé le film ; - La pauvreté favorise la solidarité ; - Le fascisme existe toujours ; - La technique de stop motion permet d’exprimer un message ; - Les hommes sont plus courageux que les femmes ; - Les gens migrent majoritairement à cause de la guerre.
Le débat mouvant en tant que forme lui a semblé approprié pour ce public et cette thématique. Ces jeunes aiment argumenter, donner leur avis et défendre leur position. Et elle a eu raison, car cela a fait débat ! Les jeunes ont fait des comparaisons avec d’autres « conflits » tels que les préjugés sur les personnes de couleur, les conflits flamands/wallons, la réalité de certains pays africains...
Cela a aussi permis de toucher la fragile question du genre et de l’égalité qui touche et divise la classe, ce qui n’a pas manqué d’attirer l’attention de Selma, leur enseignante.
Benoît a quant à lui animé le debriefing des élèves de 3e secondaire de Liège 1. Ces élèves ont partagé leur difficulté à rentrer dans le film, déstabilisés dans un premier temps par l'esthétique, la symbolique, l'intervention des mains de l'animateur dans le décor... Mais une fois cela apprivoisé, ils ont vraiment pu apprécier ce film. Et ont, comme tous les autres élèves, pu recenser nombre de stéréotypes et de manifestation du racisme qui les ont particulièrement touchés.
Si vous aussi vous souhaitez traiter ce film avec vos publics, un dossier pédagogique est disponible sur le site des Grignoux.
Comme le note cette asbl sur son site web, « les Grignoux et l’Éducation permanente, c’est une longue histoire. Depuis toujours, notre offre culturelle permet d’interroger la société de manière critique, réfléchir sur le monde et ses inégalités et soutenir des modèles alternatifs plus justes, démocratiques et solidaires. » Ceci nous permet de vous livrer ici notre mot de la fin. Malgré le peu d’enthousiasme marqué par certains jeunes envers ce film, nous sommes heureux de l’avoir visionné avec eux. Car, selon nous, s’ouvrir à une culture autre que celle qu’on a l’habitude de fréquenter ouvre le champ des possibles, et sèmera sûrement, auprès de quelques-uns un petit quelque chose.