Focus sur l'ouvrage Faire je(u) égal – Penser les espaces à l’école pour inclure tous les enfants, d'Édith Maruéjouls.
Ce n’est pas la première fois que le nom d’Édith Maruéjouls est cité dans un article du C-paje, et pour cause, la géographe du genre s’est intéressée, au préalable dans sa thèse Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d'un paradigme féministe, aux questions des loisirs des jeunes et à la manière dont ceux-ci occupaient l’espace public. Elle s’y penchait déjà en partie sur l’occupation et l’aménagement des cours de récréation. Mais, bonne nouvelle, si vous n’avez pas envie de vous attaquer à la lecture d’une thèse (et franchement, on peut comprendre), Édith Maruéjouls propose un livre plus abordable et plus pratique : Faire je(u) égal.
Celui-ci se divise en deux grandes parties.
La première dresse le constat d’un société genrée, qui se poursuit et se reproduit aussi à l’école et dont les conséquences ont un effet sur les élèves. Dans notre société, le genre (entendu comme l’ensemble de ce qui est attendu d’un homme et d’une femme, d’un petit garçon et d’une petite fille et considéré comme étant une norme à respecter) divise les humains en deux grands groupes (les hommes et les femmes). Ces deux groupes ne sont pas uniquement construits comme différents, mais ils sont aussi hiérarchisés, ce que l’anthropologue Françoise Héritier nomme « la valence différentielle des sexes ». Dans un idéal d’égalité entre tous, cette division et cette hiérarchisation sont donc à combattre, y compris sur le terrain de l’école.
C’est pour cela que la deuxième partie vise à diagnostiquer les problématiques liées au genre qui prennent place dans les espaces de récréation et des toilettes des écoles (auxquelles elle consacre d’ailleurs un chapitre complet !). Parmi ces problématiques, le sacro-saint terrain de foot.
Nous avions déjà pu le constater dans notre projet Carton jeunes, le terrain de foot suscite beaucoup de sentiments d’injustices parmi les élèves comme en témoignent nos animateurs.
Cet exemple frappant montre bien la division et hiérarchisation genrée traduite en espace. Occupé essentiellement par certains garçons , soit 10 % des élèves, il prendrait pourtant jusqu’à … 80 % de l’espace (chiffres donnés en page 55). On s’en doute, il reste peu de place pour tous ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas jouer au ballon. Comme le souligne Edith Maruéjouls en page 56, « pouvoir être au centre de la cour ou avoir une visibilité accrue, c’est prendre une place dans l’espace citoyen. Il s’agit de questionner la légitimité des filles et des 'sujets de filles' dans l’espace du dehors ».
Quelle place, en effet, prend-t-on dans la société quand on a intégré, dès la cour de récré, que l’on devait se tenir dans des espaces de « seconde zone » ? Que nos déplacement sont calculés, non pas en fonction de nos objectifs ou de l’attention portées aux autres, mais en fonction du danger suscité par un jeu auquel on ne joue pas ? Quel message nous est envoyé quand nos activités n’ont pas d’espace légitime pour se dérouler ?
C’est donc sur base de ces constats et d’un riche dialogue avec les élèves et les enseignants, qu’Édith Maruéjouls nous propose de suivre un cas concret de réaménagement d’une cour de récréation, du diagnostique jusqu’à l’évaluation des tests des aménagements. Pour rééquilibrer les espaces, pour donner envie aux enfants de jouer ensemble, filles et garçons. Pour apaiser ces relations et, peut-être, limiter à l’avenir les violences.
À la lecture de ce livre, nous sommes témoins de la manière dont elle associe élèves et enseignants à la démarche pour proposer une plus grande diversité d’activités afin que chaque enfant se sente libre de faire ce qu’il ou elle a envie, de prendre sa place dans la cour, mais aussi de découvrir de nouvelles activités. Sans renforcer les stéréotypes.
Faire je(u) égal nous invite donc à mieux comprendre les problématiques liées au genre et les enjeux d’une cour de récréation qui permet à chacun d’exister librement mais aussi de jouer collectivement. Bref un livre pour s’inspirer et peut-être trouver de nouvelles pistes pour nos animations !