« Les gens de peu » dans le cadre du colloque «Enquête sur les modes de résistance en pandémie »

« Les gens de peu » dans le cadre du colloque «Enquête sur les modes de résistance en pandémie »

"Les gens de peu" met en scène un homme seul sur un plateau presque nu à l’exception d’un lutrin. Petit à petit, ce vide se remplit par beaucoup d’amour, d’humour, d’espoir. On en ressort revigoré, un peu secoué, une question en boucle dans la tête : « Et moi, maintenant, je fais quoi de toute cette vie? »


L’homme seul, c’est Thierry Müller. Homme de théâtre mais aussi - et peut-être avant tout - engagé de toujours (Chômeurs pas Chien, Stop Article 63 §2, Migrations Libres…). On le retrouve arrêté, aux prises avec les questions d’un juge qui voudrait bien connaître son implication dans l’accueil de Celma, sans papiers, et ses trois enfants.

Cet interrogatoire sert de prétexte à nous emmener vers le récit d’une vie de luttes qui prend ses racines chez les « gens de peu ». Ceux qui vivent modestement, pour qui les fins de mois commencent très tôt. Loin de subir cette situation, il en fait son combat : se tenir parmi les si nombreux « gens de peu » pour résister. Et cela commence très tôt, dès la cellule familiale, avec l’exemple de cette mère qui sait la domination du père. La mère qui transmet la conscience de l’injustice et l’insoumission, des compagnons de route qui seront le fil rouge de toute une vie. Un fil rouge qui le mènera à refuser obstinément de passer au-dessus de la « barre de la moyenne sociale ». Celui qui le pousse aussi à nous raconter, comme un film d’action, l’occupation des bâtiments de l’Onem en mai 1999 à Liège. Joie, fierté et déconvenue. Un sacré coup ! Un échec ?

La fatigue guette. Il raconte, sans fard, le besoin de vivre pour soi, de profiter du temps seul, de s’en délecter avec gourmandise, pour s’autoriser à traîner au lit, pour lire, s’offrir un café en terrasse. Hiberner pour mieux revenir. Car même s’il ne le prévoit pas, il revient toujours à la lutte mais surtout, à la solidarité. Pas prévue la boule au ventre quand il assiste, sur une aire d’autoroute, à l’arrestation de jeunes gens qui ont voulu monter dans un camion pour traverser l’Europe. Pas prévu de distribuer son numéro pour proposer de l’aide, un trajet, un matelas pour passer la nuit. Pas prévue l’ouverture des portes pour la famille de Celma. Pas prévue toute la joie qu’elle fera éclater dans sa ferme.

En choisissant de parler depuis son propre parcours, Thierry Müller propose de revivre ou de découvrir des événements de l’Histoire par l’intime. Il touche directement au cœur. Cette adresse passe aussi par la place donnée aux musiques qui ponctuent le spectacle : elles tissent un lien entre nos souvenirs et ceux de l’homme du plateau, les siens, et la grande Histoire : son premier amour sur du Bob Dylan, la fête avec Celma qui danse sur du Manu Chao... Et nous, qui ne pouvons nous empêcher de nous dandiner sur le banc depuis la salle, mais avec cette lancinante question « Et moi, maintenant, je fais quoi de toute cette vie ? »

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