De mémoire d’animateur on ne sait plus exactement quand ça a commencé ; quelque part au début des années 2000 peut-être. Peu importe, les mythes sont atemporels. L’animation « Jardin Secret » du CEC L’Atelier est une animation de création de cabanes et rien ne l’arrête. Le virus ? Le confinement ? Franchement, elle en a vu d’autres. Et les enfants sont toujours là, fidèles au poste. Vous avez dit magique ?
Un samedi par mois, les enfants et les jeunes de 7 ans et bien plus se retrouvent à Barvaux, pour imaginer et construire leur petit monde. « Je ne sais plus d’où vient le nom « Jardin Secret », mais les enfants se le sont approprié. » me dit François Houssiaux, « cabaniste » et animateur depuis une dizaine d’années à l’Atelier.
Quand François a rejoint Catherine Noël pour co animer, les cabanes existaient déjà et il fallait les réhabiliter avec les enfants. L’animation a vite pris de l’ampleur. Deux adultes, ce n’était pas de trop pour encadrer des enfants munis de scies, masses ou foreuses. Le groupe a grandi, les enfants aussi. Il a fallu étendre les limites d’âges pour que certains puissent continuer à participer. Petit à petit, l’animation a évolué.
Il y a deux ans, la commune se désolidarise du CEC et le partenariat avec la Maison de la culture, par laquelle François était engagé, prend fin. On leur demande de démanteler les cabanes en quittant le terrain. « Les enfants s’étaient vraiment approprié l’endroit. On y avait fait des petits camps où on passait une nuit, c’était assez merveilleux de voir comme ils habitaient les lieux. C’était chez eux.».
Alors comment expliquer cette décision aux enfants ? « Avec beaucoup de franchise et d’honnêteté». Les réactions, parfois violentes, n’ont pas tardé. «Finalement, les enfants ont écrit une lettre pour dire qu’ils ne voulaient pas démolir leurs cabanes.» L’Atelier se retrouve donc une peu poussé dehors... François est alors embauché par l’Atelier. Douze enfants suivent le grand chambardement et partent reconstruire de nouvelles cabanes sur un autre terrain, à vingt kilomètres du premier. Une dizaine de jours plus tard, les bulldozers ratissaient le terrain initial à Marcourt, mais la force du groupe avait primé.
Aujourd’hui, François Houssiaux et Jason Vandewalle animent une petite vingtaine d’enfants et de jeunes, un samedi par mois.
François l’avoue sans détours : « Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant les constructions en elles-mêmes que la vie collective autour d’elles. ». Quand il a fallu repartir de zéro, c’est d’ailleurs cette vision qui a été choisie. Le but n’est pas pas tant de construire pour construire mais comme prétexte à l’expression créative et à la vie en collectif. « La cabane préfabriquée en kit qu’on achète dans les magasins, qu’il n’y a plus qu’à assembler et dans laquelle on range les outils, c’est un type de cabane, connu et fonctionnel. L’idée est de s’en écarter. »
De la documentation est proposée, pas pour mettre des mots sur ce qu’ils font mais pour décupler les possibles. «Je leur montre des photos de cabanes et de constructions d’artistes réputés, comme des cabanes d’amateurs, ou des cabanes croisées dans les bois… Ce que les enfants font, ce ne sont pas des abris fonctionnels, ce sont des œuvres d’art, des créations qui sortent de leur imaginaire.»
On l’aura compris, la place est laissée à l’imaginaire et à l‘enfance : « Je ne veux pas faire des projets d’adultes avec l’aide des enfants. Je veux que ce soit des réalisations d’enfants. Je les laisse faire des erreurs, je ne donne pas de directive, pas de pression.»
Une chose sur laquelle François ne transige pas : « Je suis attentif à ce que les enfants utilisent le bon mot pour désigner le bon outil et l’utilise à bon escient. » Chaque outil a une fonction. Pas question de se mélanger les pinceaux. « En six ans d’animation, je n’ai jamais eu d’accident. Pourtant, on utilise des scies, une foreuse, une masse.. il y a même une hache. Il n’y a pas de problème à partir du moment où les enfants savent ce qu’est l’outil, à quoi il sert et à quoi il ne sert pas. Si on ne lance pas un marteau, ce n’est pas parce qu’on l’a interdit, mais parce que ce n’est pas à ça que ça sert. » Et les plus grands sont là pour transmettre aux plus petits.
Malgré les restrictions sanitaires, les plus jeunes peuvent continuer à bénéficier des animations. Et c’est tant mieux car François, qui vit en lisière de forêt, n’a jamais vu autant de cabanes éclore spontanément aux abords de ses chemins de promenades que depuis le début du confinement. La cabane reste un mythe, un besoin primaire, un abri par mauvais temps, mais aussi un refuge, un espace où rêver, pour les petits comme pour les grands.