Coup de cœur : L’acier a coulé dans nos veines

Coup de cœur : L’acier a coulé dans nos veines

Deux siècles d’industrie métallurgique ont façonné Liège et ses environs, mais ont aussi participé à faire entrer le monde dans un nouvelle ère. L’acier a coulé dans nos veines, film documentaire de Thierry Michel, nous propose un voyage engagé qui retrace le fil de cette histoire, des jours de gloire jusqu’aux lendemains désenchantés.

À travers des images d’archives et des témoignages empreints de dignité, le documentaire exhume un passé qui pèse encore sur le présent. L’imposant squelette métallique du haut fourneau d’Ougrée en est la relique la plus emblématique. Jadis, monstre de lave qui jamais ne dormait à l’appétit gargantuesque d’hommes et de minerais, il est aujourd’hui éteint.

Dernière cathédrale de fer qui domine encore les berges de la Meuse, l’ancien fourneau entretient les braises d’un monde qui n’existe plus que dans la mémoire des milliers de travailleurs et leurs familles, lui ayant voué jusqu’à leur existence. Des personnes qui, souvent, sont venues des bords de la Méditerranée pour prêter leur force de travail à l’essor de la Wallonie.

Dangereux, éreintant, accaparant, usant : tel était leur labeur. Pourtant, ce travail si pénible a aussi façonné une identité ouvrière unique dans la chaleur de ces forges, mêlant fierté, engagement, solidarité, courage et dignité dans un alliage robuste.

Alors, quand les capitalistes (Mittal et Cockerill), aidés par des politiciens (au mieux mollassons, au pire serviles), sont venus menacer leurs outils de travail et leurs emplois, ils se sont heurtés à la résistance acharnée de travailleurs unis et soudés par des décennies de travail côte à côte. Lorsqu’on était sidérurgiste, nous n’étions point un simple travailleur isolé, dispersé et invisibilisé comme c’est malheureusement – avec l’avènement du néolibéralisme - devenu la norme. Non, le rapport de force était dur, mais au moins il a existé. Organisés et déterminés, les travailleurs ont lutté pour préserver l’activité. Le documentaire nous expose très clairement les différentes tentatives du capital de fermer les sites métallurgiques du bassin liégeois.  

Des dizaines de milliers de personnes ont participé à l’essor et à la prospérité de cette industrie. Ils ont considérablement enrichi les capitalistes et contribué au grand essor moderne mondial de l'après-guerre, et ce pendant 50 ans.

Et à présent qu’il devenait plus profitable de délocaliser ces mêmes patrons, qui ont construit leur prospérité sur le sang et la sueur des travailleurs, ils allaient, sans même trembler, jeter des milliers de familles dans la précarité, le doute et l’isolement.  

Ce n’était pas acceptable et ce ne fut pas accepté.  

Les différentes mobilisations syndicalistes et ouvrières ont permis de prolonger l’activité de la sidérurgie liégeoise des années durant. Mais à chaque assaut des possédants, le bastion à défendre se voyait peu à peu amputé, jusqu’à ce qu’il fût assez érodé et affaibli pour tomber.  

Au-delà du travail de mémoire essentiel que remplit parfaitement le film, il arrive également à être juste, touchant et humain. J’ai également apprécié son parti pris clairement assumé. En effet, il présente et défend davantage le point de vue des ouvriers que celui des patrons. Ceux et celles que ça gêne ont succombé à un relativisme qui mène petit à petit à un délitement de nos acquis sociaux. 

Nous traversons actuellement une époque où il devient fondamental de réaffirmer clairement certains principes.

Pour ma part, je serai toujours du côté des travailleurs et des travailleuses. Avec ou sans papiers. Avec ou sans emploi.  

J’assume la réalité d’une lutte des classes, et que notre gouvernement actuel n’est pas du côté des travailleurs, mais de celui du patronat et de la bourgeoisie.  

Je m’inquiète de ce que je considère comme une dérive réactionnaire, sécuritaire et raciste de ce même gouvernement.

Ce même pays, qui aujourd’hui s’en éloigne, m’a appris à être attaché à une société inclusive et au cordon sanitaire.

Face à cette offensive sans précédent de nos droits, mais aussi de l’idée que l’on se fait de la démocratie, puissions-nous nous inspirer de l’esprit des sidérurgistes liégeois. Divisé, le peuple ne peut pas grand-chose. Organisé, il peut tout. Espérons qu’il reste, sous les cendres de cet héritage de lutte, suffisamment de braises assez ardentes pour raviver l’insoumission. Nous ne gagnerons peut-être pas, mais si nous devons perdre, ce sera avec la même dignité et le même panache.

PS : si vous souhaitez voir le film, il est toujours à l'affiche dans les cinémas Grignoux.

 

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Actualité rédigée par
Benjamin BONHOMME

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