La mort et le deuil sont des réalités auxquelles nous sommes immanquablement confrontés dans nos vies. S’il existe plusieurs jeux vidéos ayant pris ces thèmes à bras-le-corps, peu l’ont fait de manière aussi viscérale que Spiritfarer.
Vous incarnez Stella qui vient de se voir transmettre par Charon, la charge de passeur d’âmes. Épaulée de votre chat, Daffodil, vous allez, avec l’aide de votre bateau de passeur, devoir voguer sur un vaste océan émaillé de petites îles, sorte de purgatoire habité par des esprits, pour aller chercher des âmes errantes, matérialisées sous la forme d’animaux plus ou moins anthropomorphes et leur permettre de passer dans l’au-delà.
Concrètement, le gameplay du jeu est un mix entre de la récolte de ressource, culture/élevage crafting/ soin des relations à la Stardew Valley pour ses phases en bateau et un metroidvania orienté plates-formes sans aucun combat pour son exploration. Chacun des personnages arrivant sur votre bateau vous demandera d’accomplir une série de quêtes qui vous permettront d’en découvrir plus sur la vie et la mort de vos passagers. Régulièrement, des obstacles bloqueront votre exploration et vous demanderont de récupérer des compétences ou des ressources permettant d’améliorer votre bateau, d’y construire des infrastructures notamment des maisons pour vos passagers ou des structures permettant de raffiner les matériaux pour réaliser de nouvelles constructions.
Une fois que vous aurez bouclé toutes les quêtes d’un personnage et de facto son arc personnel, ce dernier se sentira prêt à passer dans l’autre monde. Vous devrez alors, à l’aide d’une petite barque, l’amener jusqu’à la porte de l’au-delà, lui faire vos adieux et sortir votre meilleure boîte de mouchoirs triple épaisseur. Spiritfarer rentre dans la caste très sélective des jeux capables de vous tirer de vraies larmes aux côtés de Soldats Inconnus et Xenoblade Chronicles 3. Seulement, la question ici, sera de savoir, à chaque nouvel adieu, où vous vous situerez entre le reniflement et la fontaine vivante. En effet, chaque personnage dispose d’une personnalité et d’une histoire propre brassant des thématiques variées comme la maladie, le suicide, la maladie infantile, la démence sénile, les maladies dégénératives mais aussi l’amour, l’infidélité, le changement de vie, les relations intrafamiliales, la folie, la maltraitance médicale… qui vont plus ou moins résonner avec votre sensibilité et votre vécu. J’ai fait presque tout le jeu sous le regard de ma moitié et, si nous avons fait monter les actions Kleenex tous les 2, nous n’étions pas terrassés par les mêmes personnages. Enfin, sauf Stanley, là vous inonderez votre living, vous êtes prévenu. Pour couronner le tout, le jeu dispose d’un fil rouge qui se dévoilera progressivement au fur et à mesure que vous mènerez vos nouveaux amis dans l’au-delà. Et qui, sans trop spoiler, vous permettra, moyennant un effort interprétation, de comprendre pourquoi Stella s’est retrouvée dans le rôle de passeur d’âmes et quel est le lien qui l’unit aux âmes qu’elle doit guider. Petit point bonus, le jeu a un sous-texte grinçant sur les ravages de la surconsommation et des monopoles commerciaux.
Le style dessiné très doux des décors et des personnages lui confère une esthétique mignonne qui offre un contrepoids bienvenu aux thématiques très dures du jeu. La musique, très douce, saura toujours vous accompagner parfaitement dans les différentes phases, surtout les plus émouvantes. Pour donner un petit aperçu, voici le thème principal du jeu.
Quand j’ai terminé le jeu (spoiler, pas avec les yeux secs) je regardais défiler les crédits quand est arrivée la section « A la mémoire de » où les développeurs rendaient hommages à leurs disparus, ceux-là même qui ont inspiré, plus ou moins directement les personnages (j’ai reconnu Stanley, un mouchoir n’y a pas survécu). Spiritfarer nous parle de la difficulté de perdre des proches, mais aussi la nécessité, même si ça fait mal, de leur dire au revoir et d’accepter que ne demeure que leur souvenir, comme les petites maisons sur votre bateau de passeur… Profondément triste mais surtout profondément cathartique.