Coup de coeur : Radium Girls

Coup de coeur : Radium Girls

En cette journée internationale des droits des femmes, j’aimerais vous parler de la BD Radium Girls écrite et dessinée par Cy.


L’histoire se déroule dans l’Amérique des années 20 et suit un groupe d’ouvrières qui travaillent pour une usine de fabrication de réveils. Leur Job ? Peindre les chiffres sur les cadrans avec une peinture fluorescente à base de radium. Pour améliorer leur efficacité et économiser la précieuse peinture, 3 gestes : lip (affiner la pointe du pinceau avec les lèvres), dip (tremper le pinceau dans la couleur) et paint (peindre). Leur paie est plutôt bonne et leur permet de participer efficacement à la subsistance de leur foyer. Bon, il y a bien quelques effets imprévus comme le fait de luire dans l’obscurité, mais bon, les cadres de la société disent que c’est sans danger alors…

Seulement quelques années plus tard, certaines filles commencent à souffrir de douleurs dans les membres ou dans les dents et à les perdre l’une après l’autre, certaines meurent même, mais bon, une telle avait des mœurs légères, donc ça doit être la syphilis, une telle avait une petite santé, ça peut arriver… Seulement quand les cas se multiplient et que l’une de nos héroïnes accule l’ancien médecin de l’entreprise, le couperet tombe : le radium, ingéré lors de la mise en forme du pinceau, est allé se loger dans le corps des ouvrières et est en train de ronger leur corps de l’intérieur provoquant tant la dislocation des os que des tumeurs monstrueuses. Pire, la compagnie était parfaitement au courant des dangers du radium et s’emploie à étouffer l’affaire par tous les moyens. Commence alors pour notre groupe une longue et douloureuse bataille judiciaire pour faire condamner la société. Leur pire adversaire ? Le temps puisque le radium les condamne toutes à la mort et que la société entend bien faire traîner les procédures jusqu’à ce que le procès s’éteigne, faute de plaignantes.

La BD met en lumières des femmes dont le combat, à l’intersection des luttes féministes et ouvrières, a été capital pour les progrès des conditions de sécurité des ouvriers et des ouvrières mais dont on entend pourtant jamais parler. Cy a donné à ses héroïnes des caractères et situations familiales assez différentes et veille à mettre en scène des moments de la vie quotidienne de ses héroïnes (sortie en boîte, à la plage) qui les rendent attachantes mais permettent également de traiter de la condition des femmes de l’époque sous un prisme plus large. Ainsi, on verra un policier mesurer le maillot d’une des héroïnes et la sommer de se rhabiller.

Vous me direz sans doute : « le devoir de mémoire c’est certes important, mais ces évènements n’auraient plus aucune chance de se produire aujourd’hui. Maintenant le féminisme c’est un combat d’arrière-garde ». À ça je vous répondrai par deux choses : d’abord, une scène de la BD où une des héroïnes qui aime flirter un peu avec des hommes voit son décès mis sur le dos de la syphilis qu’elle aurait contractée à cause de ses mœurs légères. Je ne sais pas vous, mais moi ça m’évoque un peu les « tu l’as bien cherché, mais pourquoi tu t’habilles comme ça, mais pourquoi tu sors à cette heure, mais pourquoi tu lui as souri, ne va pas te plaindre si tu te fais violer à coucher avec autant de mec » que de nombreuses personnes s’identifiant comme des femmes subissent régulièrement et qui fait de leur sexualité supposée un motif suffisant pour qu’elles subissent les pires horreurs, comme une forme de punition divine. Ensuite, une anecdote racontée par l’autrice. Lors d’une séance de dédicace, une lectrice lui a demandé de lui dessiner Mollie, l’héroïne avec son fameux maillot trop court et lui a raconté que cette scène lui parlait, car en sortant du lycée, vêtue d’un crop-top, elle avait été alpaguée par deux policiers en faction qui l’avaient sommée d’aller se rhabiller et ne l’avaient pas laissée tranquille tant qu’elle ne s’était pas exécutée. L’âge de la lectrice ? 15 ans.

Alors, en cette journée internationale des droits des femmes, informons-nous sur celles qui se sont battues pour défendre leurs droits et puisons dans leurs combats les énergies et inspirations qui nous permettrons de continuer les luttes pour l’égalité ; que leur mémoire puisse briller plus fort et plus longtemps que leurs squelettes encore irradiés pour un bon millier d’année.

 

 

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Actualité rédigée par
Jade GATHOYE

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