Avec son exposition « Enfant(s) », Stéphane Deprée nous invite à la rencontre de 50 moments d’enfance dans la salle de Houtopia. Entre sentiments d’injustices, innocence, espoirs, hantises, petits bonheurs et harcèlements, il nous livre aussi un peu de son parcours qui l’a amené à devenir animateur et artiste...tout en préservant son enfant intérieur. Et à faire de sa pratique professionnelle son engagement au quotidien. Présentation !
Stéphane est né à Houffalize, une petite ville touristique située au cœur de la Province du Luxembourg. Il l’a quittée pour faire ses études d’illustrateur à Liège. Une façon pour lui de conserver le repaire que lui offrait ses moments de dessins. Enfant déjà, c’est dans ses carnets que Stéphane se réfugiait. Il y invitait régulièrement sa famille à y noircir quelques lignes. Et lui, il y alignait dessins et notes, sans autres affects que celles des traits, des courbes et des couleurs. Sa manière de se dire et d’affronter les moments plus difficiles que rencontrent bon nombre d’enfants : se faire sa place parmi les autres quand on se sent différent, moins éloquent, plus petit, moins moqueur, plus rêveur... Le dessin c’était donc sa parole, son exutoire, son monde et ses racines.
Une fois son diplôme d’illustrateur en poche, il a fait son CAP, avant d’être engagé au Musée des papillons. Il y a découvert le goût pour l’animation de public d’enfants. « Parler des papillons c’est aussi parler de leur présence dans nos jardins, d’eux comme des signes de mise en danger de notre biodiversité » me raconte-t-il. « C’est ma façon à moi de m’engager. Je ne vais pas aux manifs ; je fais de l’éducation permanente !»
Après plusieurs années de service en tant qu’animateur au CEC liégeois "Atelier Graffiti", Stéphane a décidé de retourner vivre dans sa ville natale. Il y a aménagé son grenier pour y faire de la peinture et de la musique avec quelques enfants du coin. C’est là que Christine Mahy et Daniel Seret sont venus le rencontrer pour l’inviter à rejoindre l’aventure du développement de la culture en milieu rural, tel que porté par l'asbl Miroir Vagabond dans 6 communes de la province du Luxembourg. Migrant de son grenier vers le réfectoire de l’école communale, en passant par la salle des Patros, les Z’ateliers se sont finalement installés dans une petite salle de Houtopia, là où je l’ai rencontré ce jeudi de printemps 2022.
« Tout était à faire et personne ne savait trop comment s’y prendre. Alors on a tous appris sur le tas. S’organiser en réseau socioculturel, développer des évènements, faire du théâtre à l’école… Et dans quelques années on occupera ce grand bâtiment, qu’était le palais de justice, pour développer différents projets culturels et sociaux », me confie-t-il, depuis la fenêtre du petit local qu’il occupe actuellement.
Pour lui, les Z’ateliers représente ce lieu de sécurité qu’il trouvait enfant dans ses carnets. Mais ici on le construit à plusieurs, avec la bienveillance et la créativité des animateurs comme soutien, avec les sourires échangés, le plaisir de se poser et d’avancer chacun à son rythme.
« L’art est un prétexte pour s’exprimer et rencontrer l’autre. Ce que j’avais du mal à faire enfant. J’aime d’ailleurs beaucoup l’alliance de ces deux mots : expression et créativité ». Stéphane ne mesurait pas au début de sa carrière d’animateur tout le côté social de l’art, sa qualité de tolérance, d’esprit critique, de mise en lien, de recherche de sa propre place. Et aujourd’hui, il accompagne son public dans la quête de son propre style. «Évidemment, quand je prépare la pub des Z’ateliers, je mets l’accent sur ‘venez apprendre la technique de x ou y grand peintre’ et non sur ‘venez découvrir qui vous êtes grâce à l’art’ car cela ne fonctionnerait pas je pense... ».
Et pourtant c’est bien cela qu’on semble faire ici, avec du temps et beaucoup d’écoute et de partage : apprendre à oser être soi. Avancer ensemble. Se laisser surprendre. « Tout ce que j’aime ! Mais c’est une chose plus ardue avec les adultes car ils sont plus conformistes que les enfants. D’ailleurs, moi, j’ai toujours été un bon copiste !».
En effet, Stéphane met souvent son art au service de la parole des autres. Il a ainsi beaucoup dessiné « sur commande », comme encore dernièrement pour le livre « Un Tanguy chez les hyènes » de François Verheggen. C’est à chaque fois l’occasion pour lui de découvrir un univers, ici celui de l’éthologie dont il se réjouit d’illustrer le second tome qui est en cours d’écriture. Il a aussi beaucoup illustré des livres pédagogiques. Il aime vulgariser des sujets qui l’intéresse et le préoccupe. « Un Tanguy chez les Hyènes c’est un peu comme la mission que j’avais au musée des papillons : sensibiliser le grand public à la beauté, ici du comportement animal, et par là même les sensibiliser à des enjeux écologiques et de vivre ensemble ».
Mais à force de fondre son style dans celui des autres, on en oublie un peu qu’on a aussi son propre univers. « Avec le confinement, j’ai ressenti le besoin de me plonger dans quelque chose de plus intime, de plus profond. De redevenir quelques semaines durant un ermite qui vit dans ses combles. Je me suis mis ici, dans mon grenier, au milieu de mes carnets d’enfants et de ceux de mon père. Je me suis remémoré des moments avec des enfants en atelier. Mon projet s’est lentement esquissé et j’ai décidé d’en choisir 50 à illustrer au fusain et à la craie, en y déployant mon propre style ».
Stéphane me montre alors ses dessins sur papier kraft qu’il a bientôt terminé. Un dessin par souvenir. L’enfance en perspective, avec ses joies, ses violences, ses étonnements, ses silences, ses harcèlements. « En vieillissant, je ressens le besoin d’être toujours plus entier, plus présent à chaque instant, de pouvoir rire, m’émouvoir, de mettre en sourdine tous les filtres d’adultes »...
Envie de découvrir cet univers ?!
L'exposition de ces 50 illustrations "ENFANT(s)" se tiendra dans le cadre du festival "Enfant(s)". Ainsi, un programme d'activités autour de la thématique (ciné-club, ateliers, spectacles, concerts, expo, concours, conférences, rencontres...) se tiendra surant la durée de l'expo.
En pratique :
Du 9 juillet au 9 septembre, du mercredi au dimanche - de 14h à 16h - ENTRÉE LIBRE
Vernissage de l'expo le vendredi 8 juillet à 19h
A Houtopia - Place de l'Eglise, 17 à 6660 Houffalize
Tout le programme est sur houtopia.be