Ephémérides : chroniques Covidiennes

Ephémérides : chroniques Covidiennes

Cela fait maintenant deux ans que nos sociétés font corps avec ce virus que je ne me résous pas à genrer au féminin. Il fut d'abord écho lointain d'été languissant, curiosité orientale, relent de remous aux frontières d'un ailleurs impensé; ville condamnée, province confinée.

Je me souviens de mes élèves, cet automne-là, qui ne voulaient pas traiter du Covid, parce qu’à la présentation théâtrale de mai, « Plus personne ne saurait ce que c’est ».

L’hiver s’est installé, le virus lui aussi a pris ses quartiers divers. Et ce sont nos vieux qui ont commencé à ne pas le passer, l’hiver.

Pourtant, on en riait franchement, de voir des gens se moucher du bras et se saluer du coude, se masquer hors-saison de Mardi-Gras.

Soudainement, les comptages se sont faits alarmants, puis franchement sidérants. On riait moins.

Un printemps en demi-teinte, aux couleurs de lock-out, lui a succédé. On n’avait plus connu ça "Depuis la dernière guerre!" s'exclamèrent les anciens. Depuis les attentats de Paris en tout cas. Les militaires allaient-ils refleurir dans nos rues, armés cette fois de filets à virus?

On nous dit que c’était pour trois semaines, puis deux encore, puis encore deux, puis…

Nous nous habituâmes à notre première Première Ministre, ad intérim. Nous constatâmes que Maggie De Block et son parti étaient capables de faire des dégâts ailleurs que dans le traitement de l'asile. Nous blâmâmes incurie et impréparation, déplorâmes, de plus en plus amèrement, détricotage coupable des soins de santé et délocalisation des unités de production. Chaque niveau de pouvoir y alla de ses tentatives d'achat de masques, avec plus ou moins de succès.

Nous apprîmes à placer dans la conversation les mots Comité de Concertation, puis au final CODECO. Nous découvrîmes une kyrielle d’experts qui n'étaient même pas de Miami ou de Los Angeles. Nous applaudîmes à huit heures fixe et aperçûmes de nouveaux visages de voisins. Nous comprîmes progressivement que nous étions, pour bon nombre d'entre nous, des non-essentiels.

Nous acceptâmes les supermarchés comme seuls lieux sûrs et essentiels. Nous apprîmes à faire la file docile et à nous asperger les mains vingt fois par jour.

Nous commençâmes à nous soumettre à une société de vigiles où comme au temps du carnaval antico-romain, ceux qui n’avaient d’ordinaire pas voix au chapitre, avaient, durant un temps déterminé, tout pouvoir sur leurs momentanés sujets. Or donc, ce temps s’éternisa, se dilua dans un format à durée et à usage indéterminé.

Des frontières furent fermées, d’autres érigées entre les gens. On fit mine de découvrir les grandes solitudes, les grandes précarités, les grands isolements. On s’étonna de les voir se creuser encore. On couvrit le feu et vit poindre des braises. On nous fit le coup de la peur du gendarme.

Beaucoup de gens moururent, beaucoup de gens souffrirent, beaucoup de gens pleurèrent, beaucoup de gens souffrirent de ne pouvoir accompagner et pleurer leurs morts dignement, beaucoup de soignants souffrirent de devoir soigner, ou de ne pouvoir soigner, dans ces conditions. Nous fîmes connaissance avec le Covid long. Le Silence des Maisons de Repos succéda au Silence des Agneaux.

De polémiques en polémiques et d'atermoiements en atermoiements, on déconfina, on rouvrit, avec force exagération, à la mesure de l'élan de panique précédent. On reconfina et nous dit que, cette fois, c'était la Der des Der, qu'avec le vaccin à venir, nous serions tous à l'abri. Un monde d'après était appelé à advenir. On l'attend encore. Ou plus vraiment.

Je ne vais pas tout vous raconter... Le temps me manque. A vous aussi, sans doute. Et puis, vous connaissez l'histoire, vous étiez là. 

Et maintenant, où en sommes-nous ?

On ne parle plus que de vax, d'anti-vax, de masques, d'anti-masques, on tâtonne, on chipote, on bavarde beaucoup. Obligera, obligera pas, à se vacciner? On semble tourner beaucoup autour du pot, préférant défoncer des portes déjà bien entrebâillées plutôt que d'en pousser d'autres. On tapote un peu sur les clients habituels (événementiel, culture, horeca, écoles) à tour de rôle, en attendant de voir qui rechigne, qui vacille, qui tombe. Les soins de santé, occupés à se dédouaner d'être des mauvais vaccinés, n'ont plus réellement de mots pour dire comment ça ne va pas, comment ça ne va pas aller. Les forces et les bonnes volontés s'épuisent, d'autant plus quand on se fait malmener, déconsidérer. La gestion de la crise semble être de plus en plus politique et de moins en moins sanitaire. On tente de faire le grand écart entre tout et son contraire, de ne faire trop déplaisir durablement à personne. La radicalité affirmée dans des discours d'intentions et de musculation s'étiole en saupoudrage de mesurettes en garde alternée.

La fameuse équipe de 11 millions (dont 3 petit quarts de millions de citoyens déjà, avaient été omis) semble avoir fait long feu et aujourd'hui, on divise pour mieux non-régner. Je ne comprends toujours pas, mais peut-être suis-je lent, pourquoi la seule mesure à laquelle on semble peut s'atteler, c'est le soutien et le renforcement du dispositif de santé. Et s'il faut vacciner, que l'on vaccine et que l'on n'en parle plus, ou alors que l'on décide que la vaccination suffit comme ça. Mais que l'on arrête d'hypocritement jouer avec menaces de fermeture et d'extensions de CST pour faire basculer les irréductibles gaulois (alors, tu la prends ta potion magique?) dans le camp (pas très fortifié) des plus ou moins convaincus (avec ou sans espace après la troisième lettre, c'est selon).

Les morts du Covid, on n'en parle plus beaucoup. Conscients enfin de l'effet mortifère de ce ratiocinage mathématique macabre ou quantité insuffisante pour encore faire peur?  Une cinquantaine de morts par jour, nous dit-on. Essentiellement quinquagénaires et non- vaccinés, précise-t-on aussitôt. Cinquante morts quotidiens, pardonnez-moi la froideur du propos, c'est beaucoup et peu à la fois. La moyenne belge, c'est environ 300 morts par jour, dont un quart d'affections respiratoires. Par contre, en terme de moyenne d'âge, cela fera, si ça se vérifie, sérieusement gonfler les habituels 10 % de décès à moins de 60 ans. Chacun a fait ses choix en âme et conscience. Je continue personnellement à trouver que la cause collective sort un peu grugée de l'équation, mais bon, comme disait Groucho Marx : "Si vous n'aimez pas mes opinions, j'en ai d'autres". Un gros million de non-vaccinés, ce ne sont pas une cinquantaine de morts quotidiennes qui vont les mettre irrémédiablement en risque, sauf pour ceux qui morflent ou succombent, naturellement; sauf pour ceux qui peinent à continuer à soigner.

Alors maintenant, qu'est-ce qu'on fait? Ce n'est pas avec l'imminence de toutes les élections que le courage politique va augmenter; on voit déjà comment cela fouraille entre partis et à l'intérieur même de ceux-ci.Va-t-on cesser le feu? Ou continuer de tirer sciemment à côté?

Endiguer la peur, rétablir l'unité, soutenir les fragiles et les malmenés, réordonner les priorités, rendre à l'éducation, au social, à la culture, à la prévention médico-sociale, à la participation, à la solidarité, leur indispensable place de premier plan. Reprendre contact avec d'autres vrais enjeux : énergie, nucléaire, environnement, climat, fiscalité, économie, faillites, pauvreté, migration, protection des droits et des libertés...

 

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Actualité rédigée par
Jean-Marc LELABOUREUR

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