Pour une école ouverte aux animations socioculturelles

Pour une école ouverte aux animations socioculturelles

Au commencement était le verbe.
Quand j'essaye de faire sens, de présenter une réflexion thématique, de documenter une question... parfois me vient le réflexe de puiser à la source, de creuser vers les racines, de m'éclairer à la lueur du trésor de la langue et de décider de prendre en référence étymologie et dictionnaires. J'ai ici principalement eu recours au Littré, maison renommée depuis les années quarante (du XIXème siècle s'entend).

La fonction du présent article est d'introduire une série, publiée sur notre site dans les semaines à venir, consacrée à un panel d'expériences de présence associative en milieu scolaire, cela en ces temps dé-semi-re-confinés (biffez les mentions inutiles en fonction des délibérations du dernier CNS en date et autres mesures à échelon régional, provincial ou communal).

Commençons donc par le commencement.
L'école est issue d'un mot grec qui signifie arrêt du travail, ce qui, rapporté à son contexte historique, rappelle que l'étude était un luxe réservé à ceux qui avaient le loisir, enfants comme adultes, de ne pas travailler de manière permanente pour subvenir à leur besoin. Par extension, l'école est donc ce lieu où l'on a le loisir d'apprendre et d'étudier.
Enseigner vient originellement de l'acte d'imprimer une marque, un signe. Quant à instruere, dont vous devinerez sans aide la transposition en français, cela signifie bâtir, construire dedans. Le verbe élever, d'où se décline élève, indique lui aussi une construction, en hauteur cette fois. Il est donc manifeste que l'élan pédagogique initial s'identifiait fortement à un lieu fixe (pour ne pas dire figé) et à des notions de construction, comme autant de pavés de savoir (cette connaissance acquise par l'étude) qu'il fallait empiler. Lieu fixe, que l'on voudrait protéger (c'est-à dire couvrir par devant) du dehors et dès lors occulter (cacher à la vue) tandis qu'à l'intérieur on se replie (c'est-à-dire s'enrouler sur soi-même). Fermer provient d'ailleurs du terme qui signifiait rendre fixe.

Si enseigner vient donc d'inscrire sa marque et instruire de construire à l'intérieur, il convient néanmoins de se rappeler que éduquer veut dire conduire au-dehors (ed ducere), à l'extérieur de... Et que si élever est synonyme d'ériger, il implique aussi le fait d'augmenter, de faire monter ou de placer dans une situation plus haute; à ne pas confondre avec competere qui de compétence s'est mué en compétition. Car à propos d'élever, le wiktionnary (oui, pour une fois j'ai abandonné le Littré) nous parle d'élever comme étant amener un être vivant à son plein développement. C'est ici qu'il me semble pertinent de compléter le propos en ajoutant que si le savoir s'acquiert par l'étude, il s'acquiert aussi par l'expérience. Et que le second sens de competere, qui s'est décliné aujourd'hui en compétence, se réfère à rencontre, accord et symétrie.

Si apprendre, c'est saisir par l'esprit; si la connaissance, c'est apprendre à connaître, chercher à savoir; il me semble utile de préciser que le sens de connaître (et se faire connaître) s'étend à : savoir ce qu'est une personne ou une chose, fréquenter, dire qui on est, appeler sur soi l'attention, montrer de quoi on est capable.

Puisque, ce me semble, l'intérêt de l'ouverture de l'école sur le monde extérieur est établi... c'est à point nommé que je plante dans mon champ lexical (vieux tic de laboureur) les graines de l'animation, de l'associatif et de la culture.
Culture dont l'étymologie s'appuie à la fois sur habiter, cultiver et célébrer; associatif et association(s) qui se déclinent à partir d'associer, c'est-à-dire joindre, allier, mettre en partage et, enfin, animer : donner du souffle, de la vie, du mouvement.

Voilà, je pense que ma confiance envers les mots n'était pas mal placée et qu'ils ont fait leur travail. Particulièrement en ces temps où la pédagogie nomade est peu à l'ordre du jour, où l'épuisement et la tentation de repli (ou de fermeture totale) guettent, où chacun a besoin de reprendre son souffle; c'est le moment, de s'associer, de s'allier, de mettre en partage, de laisser entrer et circuler culture, vie et mouvement.

Qui lira cet article avec un oeil critique pourra me rétorquer qu'aux mots, on fait dire ce que l'on veut. Tel est bien mon propos... Soyons libres de faire dire ce que l'on veut aux mots et aux choses. Associons délibérément instruction, intelligence, savoir, éducation,apprentissage, expérience, invention, ouverture, transmission, découverte, individualité, solidarité, dedans et dehors, créativité et liberté (et à vous d'ajouter ce que j'ai pu oublier...). Faisons le choix de l'audace (oser, mouvement qui porte à des actions extraordinaires). Délaissons la peur (cette passion pénible qu'excite en nous ce qui paraît dangereux ou menaçant, dixit le Littré) et optons pour la prudence qui s'articule entre prévoyance et compétence. N'oublions pas que savoir est un mot habité par sapiens (la sagesse) et sapere (la saveur).

Bonne ouverture à tou.te.s

 

 

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C-paje

Actualité rédigée par
Jean-Marc Lelaboureur, président de l'asbl C-paje

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